La Laïcité en structures petite enfance

Margaux Boutron, éducatrice de jeunes enfants libérale, formatrice des professionnels de la petite enfance et accompagnante parental autour des émotions de l'enfant.

La laïcité en structures petite enfance. Un sujet assez peu abordé et pourtant lourd de responsabilités pour les petites épaules de nos directrices de crèche, éducatrices de jeunes enfants ou puéricultrices.

Que vous exerciez en petite crèche privée, associative, dans un gros groupe, ou même en municipalité, certaines questions sur la laïcité restent floues et varient d’une structure à l’autre.

Souvent la question ne se pose même pas, car nous faisons comme nos prédécesseurs, afin de s’éviter les foudres de quiconque. La question n’est parfois pas évoquée, nous reprenons les codes déjà établis dans la structure ou le groupe. Toutefois, les directives sont-elles clairement énumérées ? Ou inscrites dans les projets ?

Je me suis moi-même posée cette question en arrivant en direction dans une petite halte-garderie associative, implantée dans un quartier prioritaire.

Mais au fait, la laïcité, c’est quoi ?

La laïcité, à la base, c’est simplement la séparation de l’Etat et des organisations religieuses.

On retrouve deux grandes idées parmi les pays qui la pratiquent : la laïcité où chacun est libre d’exprimer et de montrer ses croyances religieuses (Canada, Pays Bas) et la laïcité qui implique que les croyances et religions doivent rester dans la sphère privée et donc, ne pas être montrées, ce qui est notamment le choix de la France. Elle demande la neutralité de tous les services publics, ainsi pour les EAJE municipales, l’application est claire, mais qu’en est-il pour les autres structures ?

Concernant la question du port du voile sur le lieu de travail pour les professionnelles de crèche, il est écrit dans le règlement intérieur des EAJE, et pour les agents de la fonction publique, qu’ils ont l'obligation de neutralité religieuse (article L.121-2 du code général de la fonction publique), ainsi, pour eux la question ne se pose pas. En revanche, le secteur de la petite enfance n’ayant pas le privilège d’avoir un ministère dédié, d’autres questions sont plus délicates à résoudre.

Dans le cas de figure ou une maman portant le voile souhaite nous accompagner à la bibliothèque mardi, que fait-on ? Nous lui demandons de l’enlever sur le trajet ou de l’enlever uniquement une fois arrivée dans ce lieu public ? Doit-on fêter Noël en structure, ou plus généralement fêter les fêtes de fin d’année ? Les vacances d’avril/mai, comment les nommer sur notre livret d’accueil, les vacances de printemps ou de Pâques ?

Après une réunion d’équipe, nous avons réfléchi sur le besoin des enfants d’avoir un rythme dans l’année, un repère de temps, car la compréhension de l’espace-temps ne se fait qu’à partir de 5 ou 6 ans. Les fêtes et les vacances encadrent et rythment l’année, ce qui est rassurant pour l’enfant et lui donne des repères. Dans la société française est ancrée le fait que les enfants découvrent dès le plus jeune âge les traditions, qui les suivront tout le début de leur scolarité, comme le fait de se déguiser pour le carnaval.

Tout en gardant ce rythme, nous pouvons nous mettre à hauteur d’enfant et comprendre que certaines « traditions » sont peut-être difficiles à comprendre comme Halloween et ses squelettes ou sorcières, qui n’ont aucun sens à 2 ans (période du réel pour l’enfant).

Dans notre structure, nous avons décidé de garder les fêtes, mais de les observer sous l’angle le plus neutre possible, tout en conservant les traditions « païennes », les traditions provençales et niçoises, en dehors de toutes religions, mais toutes aussi intéressantes pour les enfants.

Nous fêtons les fêtes de fin d’année sans parler de Noël, ni de Père Noël, mais plutôt de la saison hivernale, de la banquise et du pôle Nord. Pour Halloween, nous parlons des insectes et potirons. Pour la Chandeleur, nous faisons des crêpes et pour les vacances de printemps, nous parlons de fleurs et d’animaux.

D’autre part, nous avons fait le choix de garder les « lentilles », bien que ce soit à la Sainte Barbe qu’elles soient traditionnellement plantées. Le premier jour ouvré de décembre, nous plantons les lentilles dans le coton et offrons le verre aux familles le dernier jour de l’année, afin de leur porter chance, comme le faisaient les paysans provençaux avec du blé.

Nous mangeons la couronne des rois, plus laïque que la galette des rois. Ces couronnes de brioche aux fruits confits et aux vraies fèves sont riches pour nos activités, et permettent d’aller découvrir les fabriques de fruits confits de notre ville.

Enfin, il y a les fêtes bien à nous, les professionnels de la petite enfance : la semaine des Droits de l’enfant, la journée en pyjama, la journée du handicap et nos chaussettes dépareillées, la semaine de la petite enfance et la grande lessive. Des semaines particulières qui mettent de la gaieté et de la créativité dans notre quotidien !

Nous sommes maintenant au clair sur le fait que les fêtes sont auprès des enfants, comme des parents, un parti pris en crèche. Cependant, elles mettent l’enfant au cœur de ces pratiques, et lui permet en plus d’une découverte, un repérage dans le temps. En tant qu’auxiliaire de puériculture, d’éducateur(trice) de jeunes enfants ou directeur(trice) de crèche, il faut savoir mettre au maximum nos convictions personnelles de côté, afin de pouvoir célébrer les fêtes toutes et tous ensemble, de la manière la plus laïque qu’il soi.

Alors pro, êtes-vous prêt(e)s pour une réflexion en équipe ? 

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